THE SCYTHE - THE LAST DINNER PARTY

Photo: From The Pyre - The Last Dinner Party (2025)

Le second album du groupe britannique The Last Dinner Party, From The Pyre, censé paraître le 17 octobre 2025, constitue la promesse d’un théâtre démesuré et grandiose. Au fur et à mesure des titres, comme un ventriloque, les membres de la quintette s’approprient tour à tour un personnage, parfois mythologique, parfois réel.

Pourtant, parmi ses trois singles, entre fables d’un tueur en série amoureux (This is the Killer Speaking) et l’enragé Second Best aux allures de Prefab Sprout, The Scythe - littéralement La Faucheuse - détonne. Le morceau nous laisse entrevoir la pénombre au-delà du rideau rouge de la comédie musicale ensanglantée et dramatique de From the Pyre.


C’est un morceau que l’on pénètre comme une maison abandonnée, la voix d’Abigail Morris, presque incertaine par-dessus l’orgue murmuré comme un secret, nous guidant à travers les reliques oubliées et empoussiérées qui y sommeillent.

Cette intimité d’antichambre contraste d’emblée avec les théâtralités habituelles du groupe.

Ce n’est pas ou plus une histoire mais bien la sensation du deuil, réelle et tangible, avec des images qui renforcent cette impression d’une tristesse presque physique: des membres qui se détachent et se décomposent sous terre. À peine la chanson entamée, The Last Dinner Party ramène l’auditeur à la matérialité éphémère de la vie: les os, la chair, les organes, que d’éléments superflus dont rien ne persiste.

La Faucheuse, figure annonçant l’inéluctabilité du passage dans l’au-delà, devient donc aussi, paradoxalement, une mythologisation rassurante pour justifier l’incompréhension du néant, de l’absence. Si le corps finit dévoré par les vers, la faucheuse emporte les âmes loin, vers une autre réalité, une autre vie où la personne aimée survit pour nous observer au loin.

C’est la croyance inébranlable dans la persistance du souvenir après la mort malgré l’anéantissement du corps; ce sont les objets chéris et délaissés dans les armoires, les odeurs, les lieux et les chansons. Tant de choses pour essayer de faire revivre ces personnes qui nous sont chères, pour les contacter de quelque manière pour une dernière discussion: 


“Une fois que tu sais ce que ça fait de perdre quelqu’un, tu entres dans une nouvelle réalité dont tu ne peux jamais revenir. Tu essaies de le rejoindre télépathiquement à travers des médiums ou des paroles de chansons.”

- Abigail Morris

Au-delà de l’expérience littérale de la mort, la chanson laisse aussi entrevoir en filigrane celle d’une rupture amoureuse, précisément parce que c’est dans l’intermittence créée par l’absence que s’amplifie le désir.

“J’ai écrit [cette chanson] avant de connaître le deuil ou la rupture, avant de savoir que la fin d’une relation [amoureuse] ressemble exactement à la mort d’une personne”

- Abigail Morris


L’entrevue du groupe avec Rolling Stone UK dévoile qu’au “départ, c'était une chanson de rupture que Morris avait écrite lorsqu'elle était adolescente, mais ce n'est que peu de temps après [...] qu'elle a réalisé qu'il s'agissait en fait d'une réflexion sur la mort de son père.”


Le refrain est une berceuse pour s'auto-convaincre: ne pas pleurer; nous resterons connecté.e.s. Même si le fleuve de la vie s’ébranchera en détours et séparera les corps, les âmes, plurielles dans l’espace-temps, persisteront, jumelles siamoises à jamais. Cette acceptation finale à travers la figure de la Faucheuse atteint son climax avec un solo de guitare vibrant, écho mélodique des questions laissées en suspens, des conversations inabouties. The Scythe résonne dès lors comme la promesse d’un retour, d’une réincarnation: dans la prochaine vie, dans le prochain continuum.

Narrativement, The Scythe est un journal intime qui se déploie au fur et à mesure du temps après la mort ou la rupture, du déni (“I’m in the other room, Nothing happened”) à la colère (“Please let me die on the street where you live”) pour finalement atteindre l’acceptation.

Il s’agit de l’une de ces chansons dont on crie les paroles sues par coeur; paroles que l’on affiche comme emblème pour leur universalité, que l’on chérit réciproquement parce qu’elles nous sont intimement, personnellement, liées. Parce qu’on aurait aimé les écrire. Parce qu’on aurait aimé trouver ces mêmes mots pour décrire ce même sentiment.

Un Article de Meriem Ben Mimoun


SOURCES:




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